FICHE TECHNIQUE

Clockwork Orange

Réalisateur : Stanley Kubrick.

Scénariste : Stanley Kubrick d'après le livre d'Anthony Burgess.

Pays : Angleterre.

Année : 1971.

Genre : Drame, Science-Fiction, Ultra violence.

Interpètes : Malcolm McDowell ; Patrick Magee ; Michael Bates ; Warren Clarke ; John Clive ; Adrienne Corri ; Carl Duering ; Paul Farrell ; Clive Francis ; Michael Gover ; Miriam Karlin ; James Marcus ; Aubrey Morris ; Godfrey Quigley ; Sheila Raynor ; Madge Ryan ; John Savident ; Anthony Sharp ; Philip Stone ; Pauline Taylor ; Margaret Tyzack ; Steven Berkoff ; Tom Lindsay Campbell ; Michael Tarn ; David Prowse...

Musique : Walter Carlos ; Rachel Elkind ; Ludwig Van Beethoven...

Durée : 136 min

Public visé : Adultes.

ORANGE MECANIQUE

 

 

L'HISTOIRE

Dans un Londres futuriste, le jeune Alex, accompagné de ses "droogs", se livre comme à son habitude à ses passe-temps favoris, à savoir virée nocturne, bagarre ultra violente, viol. Son autre passion consiste à écouter le grand Ludwig Van Beethoven. Un soir, après avoir chahuté une dame vivant seule, Alex se fait arrêté par la police. Le jeune homme va se faire enfermer dans un centre de rééducation et va servir de cobaye à un nouveau procédé, le traitement Ludovico, procédé visant à abolir toutes traces de violence chez l'homme...

LA CRITIQUE :

Le roman d'Anthony Burgess était plutôt difficile à adapter au cinéma, de par l'emploi du "nadsat", le langage inventé par l'auteur, variation aux consonances russes de notre argot. Mais Stanley Kubrick décida de relever le défi. Bien lui en pris puisqu'Orange Mécanique gagna rapidement ses galons de film culte en puissance, d'oeuvre visionnaire marquante, qui malgré les âges garde toujours son aura de film choc.

A sa sortie, le film causa un véritable scandale. En Angleterre, des auteurs de faits divers violents se dirent inspirés par le film. Une grande polémique était en train de naître. Kubrick tenta de se défendre mais rien n'y fait. Il décida alors d'interdire purement et simplement la projection de son film au Royaume-Uni. Les Anglais ne purent voir Orange Mécanique sur leurs écrans jusqu'en 2000, soit un an après la mort de Stanley Kubrick. Le film reste encore totalement interdit dans plusieurs pays comme la Malaisie ou la Corée du Sud par exemple.

Ces échos pourront paraître surprenant pour le spéctateur découvrant le film en 2005. En effet, la violence à l'écran s'est largement banalisée et celle du film de Kubrick semblera bien inoffensive par rapport à certains films récents. Mais là où Kubrick fait fort, c'est qu'il ne se sert pas uniquement de la violence visuelle, comme dans la première partie du film, où l'on suit les aventures d"Alex et de ses trois amis, tabassant gratuitement un pauvre clochard, se battant avec la bande rivale de Billy Boy, violant une femme devant les yeux équarquillés de son mari qui vient d'être lui-même passé à tabac. En effet, une fois Alex arrêté et placé en centre de redressement, Kubrick utilise la violence psychologique cette fois, associé à la violence physique. Le pauvre Alex devra faire face à l'autorité disciplinaire, interprété par un gardien sosie d'Hitler, faisant respecter les ordres à la lettre, de façon exagérée même, privant ainsi le jeune garçon de son libre arbitre. Kubrick accentue encore cette privation de liberté lorsqu'Alex décide de tester le traitement Ludovico. Un traitement lobotomisateur, destiné à le priver de toutes ses mauvaises pulsions.

Le principe du traitement est simple : montrer de façon continue à Alex des images violentes ou pornographiques, et ce, afin de le dégouter à vie de la violence et du sexe. L'image d'Alex portant des écarteurs de paupières, l'empêchant ainsi de fermer les yeux, restera longtemps dans les mémoires. Et également dans le souvenir de Malcolm McDowell qui ne les supportaient pas et qui lui blessaient les yeux. La violence psychologique sera poussée à son paroxysme dans la séquence ou le docteur va prouver à l'assistance qu'Alex est totalement guéri de ses mauvais instincts. Notre héros va se faire frapper par un individu mais aucun sentiment de colère ne viendra troubler le jeune homme, qui ne comprend pas pourquoi cet homme le frappe. Privé de ses émotions, Alex n'est qu'un simple légume, qui n'éprouve plus rien, sauf du dégoût face à cette violence. Il en sera de même pour le sexe, Alex ne pouvant toucher les seins de cette femme qui lui sont généreusement offerts. Kubrick, comme Anthony Burgess dans son roman, dénonce et veut nous faire comprendre qu'un être humain ne peut être tout blanc ou tout noir. Pour se construire et "exister", il faut que le bien et le mal cohabite en lui. Si on enlève totalement l'un des deux côtés de ce dualisme, l'être humain se deshumanise justement. Un gentil ne peut l'être totalement, comme un méchant a toujours un côté positif en lui.

Outre la violence, ce qui frappe également dans Orange Mécanique, c'est son iconographie à la fois futuriste, rétro et sexuelle. La voiture de sport d'Alex avait vraiment un look de science-fiction pour l'époque, ce qui contraste par exemple avec les habits de dandi qu'il porte lorsqu'il va dans la boutique de disques. Le Korova Milk Bar ne ressemble à aucun bar comme on pouvait en voir en 1971. Ses fauteuils en forme de corps de femmes, son distributeur de "lait plus", tout cet ensemble amplifie le fait que le film se passe dans un futur proche. Le tout étant à forte connotation érotique, puisque le sexe est l'une des principales préoccupations de nos jeunes héros. L'appartement de la femme aux chats représentant le summun de cette iconographie sexuelle, avec ses tableaux érotiques, ces objets en forme de phallus. Bref, Kubrick a su créer une ambiance originale, inclassable, qui fait que le film semblait en avance sur son temps. Il pourra paraître "kitsch" de nos jours, même s'il continue de marquer les esprits. On peut par exemple citer le groupe punk The Addicts, toujours vétu de blanc avec chapeau melon noir, look inspiré évidemment par la tenue d'Alex et ses droogs.

Si Orange Mécanique marque toujours les esprits, c'est surtout grâce à la formidable interprétation de Malcolm McDowell. Malgré qu'il soit bien plus âgé que le personnage du roman (14 ans dans le livre), je ne pense pas qu'un autre acteur ai pu convenir pour ce rôle. McDowell EST Alex. Sa performance est un vrai tour de force, tantôt pervers et violent, avec son faux cil sur son oeil, tantôt chétif et paniqué, comme lors du traitement Ludovico. Tout un panel d'émotions est brossé par McDowell qui donne une vraie dimension à son personnage. N'oublions pas son éclair de génie, où il se mit a chanter "Singin'in the Rain" lors d'une séquence de passage à tabac qui reste à tout jamais gravé dans les mémoire. Ne sachant ni chanter, ni danser, alors que Kubrick venait de lui demander de le faire, McDowell se mit a chanter cette chanson tout en donnant des coups de pieds à sa victime, ce qui rendit Kubrick hilare devant sa caméra. Le réalisateur acheta aussitôt les droits de la chanson et transforma une séquence de violence en un ballet virtuose, qui rend encore plus "horrible" le caractère de violence gratuite généré par Alex et ses droogs. Il faut néanmoins savoir que cette séquence, je veux parler du viol de Mme Alexander devant son mari, fût inspiré à Anthony Burgess par un épisode tragique qui se passa pendant la seconde Guerre Mondiale, où sa première femme fût victime de quatre deserteurs américains qui provoquèrent une fausse couche. Tombant en depresion, elle tenta de mettre fin à ses jours. Burgess a donc voulu exorciser cette histoire avec son roman en incluant une scène ressemblant à ce qui s'était passé.

Rendons également grâce au compositeur Walter Carlos, dont la musique, version moderne de grands classiques de la musique classique, comme La Neuvième Symphonie de Beethoven par exemple, fait baigné le film dans l'étrangeté et lui confère une ambiance peu ordinaire.

Pour conclure, Orange Mécanique est un chef d'oeuvre de Stanley Kubrick et du cinéma tout court. Il mérite d'être vu et revu pour en saisir tous les aspects, pour voir le formidable travail de Kubrick sur la symétrie également. Même s'il peut apparaître un peu "daté" pour certains, le film possède encore sa formidable puissance et son caractère provocateur est toujours intact. Une oeuvre phare des années 70 !

Stéphane